Yvan Leduc (1941-2023)

Yvan Leduc était membre de l’Académie québécoise d’études philatéliques depuis maintenant plus de vingt ans, où il était titulaire du fauteuil Hilaire Sainte-Marie.

Yvan voit le jour à Salaberry-de-Valleyfield, en Montérégie, le 16 mars 1941 et, au terme de ses pérégrinations, fait ensuite de Longueuil son pied-à-terre permanent. Il formait avec Lucille Belcourt (elle-même décédée auparavant) un couple des plus uni.

Au terme d’un parcours académique qui le mène de l’Université d’Ottawa (baccalauréat ès arts en éducation physique) à l’Ohio State University (Master of Art – physical education), il décroche un doctorat en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal. Il fait par la suite toute sa carrière dans les disciplines reliées au sport : tout d’abord moniteur d’éducation physique dans le réseau scolaire aux niveaux primaire et secondaire, il devient ensuite professeur de kinanthropologie (i.e. étude de la motricité humaine) à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Au terme de vingt-cinq années de bons et loyaux services envers cette institution, il prend une retraite bien méritée en 1997 : moins que jamais inactif, il peut maintenant user librement de son temps pour se consacrer entièrement aux diverses marottes qui n’ont cessé de le hanter.

Dès le début des années soixante, Yvan prend l’habitude de conserver les timbres-poste, les enveloppes et les cartes postales qu’il reçoit au hasard de son courrier en provenance du Canada, des États-Unis et du continent européen. Se prenant au jeu, il commence en 1975 à se procurer la collection annuelle des timbres-poste du Canada. Une collègue de travail, Francine Rochon, secrétaire à l’UQAM, l’approvisionne régulièrement avec les timbres venant de partout dans le monde qui ornent le volumineux courrier administratif que reçoit l’institution. Il est amené par la suite à visiter à plusieurs reprises des expositions philatéliques locales et devient un lecteur assidu de la chronique philatélique qu’un certain Denis Masse fait paraître tous les samedis dans le journal La Presse. C’est ainsi que, se voyant au départ comme un simple collectionneur, il devient peu à peu, de fil en aiguille, un philatéliste accompli.

La retraite qui sonne le glas de sa carrière professionnelle lui permet de consacrer davantage de temps aux activités qu’il affectionne : en plus de la philatélie, l’histoire de l’art (en particulier la peinture et la sculpture des 19e et 20e siècles) et l’œnologie (étude du vin) retiennent son attention. Sa collection de timbres fera de ses diverses passions une synthèse aussi agréable qu’inattendue. Le nouveau rentier profite de ses temps libres pour parfaire ses connaissances par la fréquentation des musées et des expositions, les lectures, la recherche et le partage de l’expérience longuement acquise.

En octobre 1998, Yvan devient membre de la Société philatélique de la Rive-Sud (SPRS) et quinze jours après, il y donne sa première conférence sur le mouvement automatiste et le carnet de sept timbres émis par les Postes canadiennes pour souligner le 50e anniversaire de la parution du Refus Global. Ses collègues philatélistes peuvent ainsi se familiariser avec des œuvres abstraites aux titres ésotériques comme Joie lacustre, de Paul-Émile Borduas, Syndicat des gens de mer, de Marcelle Ferron, Jet fuligineux sur noir torturé, de Jean-Paul Mousseau, Le tumulte à la mâchoire crispée, de Marcel Barbeau, ou encore La dernière campagne de Napoléon de son homonyme Fernand Leduc (avec lequel il s’applique à n’entretenir aucun lien de parenté apparent).

L’année suivante, à l’aube de ses cinquante-huit ans, il participe à sa première exposition philatélique en proposant quelques plis sur les Automatistes côtoyant des œuvres de peintres québécois, tels Suzor-Côté, Paul-Émile Borduas, Ozias Leduc et Alfred Pellan, apparaissant sur des timbres canadiens. Cette même année, il est pressenti pour faire partie du conseil d’administration et, quelque temps plus tard, il finit par prendre les rênes des destinées du club. Parmi tous les dossiers qui lui tiennent à cœur et où il s’implique particulièrement, on peut mentionner le jumelage de la SPRS avec le Cercle philatélique Varois et Chaignot de Saint-Apollinaire (près de Dijon dans le pays bourguignon), une initiative qui a mené à huit rencontres de 2000 à 2019 (quatre au Québec et quatre en France) avec les philatélistes français. Toujours à l’affût de nouvelles aventures gustatives, Yvan savait mieux que tout autre profiter de ces escapades chez nos cousins pour faire connaître à ses papilles les effluves suaves et capiteux des célèbres cuvées de cette pittoresque région.

Parrainé par ses amis de toujours Jacques Charron et Maurice Caron, Yvan fait son entrée à l’Académie québécoise d’études philatéliques en 2001 et y produit son œuvre de réception l’année suivante. Lors de son intronisation comme membre à part entière, il choisit comme nom de fauteuil celui d’Hilaire Sainte-Marie, un des fondateurs de la Société philatélique de la Rive-Sud.

Ne se bornant pas à ses activités d’académicien, il est amené à agir comme maître des conférences de 2003 à 2010 et assume la présidence de l’organisme de 2016 à 2018. Il était aussi un membre actif de la Société royale de philatélie du Canada (SRPC) et de la Fédération québécoise de philatélie (FQP).

Comme philatéliste, Yvan s’intéressait tout particulièrement, sinon exclusivement, au champ des thématiques : outre la vigne et le vin, ses principaux domaines de prédilection se caractérisaient par leur éclectisme : les grands peintres et les mouvements artistiques picturaux, tant au Canada que dans le reste du monde occidental, les Jeux olympiques, les dieux de la mythologie grecque et, finalement, le personnage historique de Jésus de Nazareth. Entre ce dernier thème et celui de la vigne, certains esprits perspicaces pourraient bien voire là un lien de continuité ténu, mais subtil. Un vieux proverbe français ne dit-il pas, à propos du premier miracle du Christ: « Il a changé l’eau en vin et non le vin en eau ». En référence aux fameuses « correspondances » de Baudelaire, les préférences inconscientes du collectionneur dans le choix des sujets qu’il consent à traiter en disent souvent passablement plus long sur lui-même qu’on ne voudrait bien le croire au premier abord.

Ne se faisant jamais prier pour donner une conférence et partager avec autrui son savoir, les circonstances ont amené Yvan à présenter le fruit de ses recherches philatéliques dans les endroits parfois des plus inattendus : au Musée de la Civilisation à Gatineau (« La vigne et le vin »), à l’Université de Montréal (« Les Jeux olympiques ») et même à Antibes, sur la Côte d’Azur, en 2006 (« L’œuvre de Picasso »).

Éternel insatisfait, Yvan se révélait un perfectionniste qui s’obligeait à reprendre continuellement ses travaux antérieurs dans le but d’en améliorer le contenu. Les efforts soutenus de cet émule de Boileau finissaient toujours par porter leurs fruits : proposées et remaniées à de nombreuses reprises en augmentant la qualité des pièces qui en composaient l’armature, les pages qu’il avait montées sur La vigne et le vin / de la Bourgogne celtique à nos jours lui ont valu, entre autres distinctions dont l’énumération pourrait se révéler fastidieuse tant elle s’étire, une médaille « grand argent » à l’exposition nationale Royale 2017, un exploit dont il tirait une légitime fierté.

« Vocation tardive et parcours exemplaire » : l’aventure philatélique d’Yvan Leduc pourrait tenir en ces cinq mots qui se révèlent lourds de sens. Ce qui a constitué sa marque de commerce jusqu’à la toute fin suffit pour faire de lui un modèle à suivre pour tous ceux qui, une fois parvenus à l’âge de la retraite, craignent d’être terrassés par l’inactivité et l’ennui qu’elle génère. En paraphrasant une vieille chanson populaire, on pourrait certainement dire que si « le bon vin m’endort, l’amour des timbres me réveille encore ». 

Pour ses anciens collègues, surtout ceux qui ont eu le plaisir et le privilège de le côtoyer pendant de nombreuses années, le départ aussi soudain qu’inattendu d’Yvan a été l’occasion d’y aller de plusieurs témoignages émouvants évoquant le souvenir qu’il a laissé. On aimait bien croire que ses problèmes de santé étaient enfin derrière lui, car même si on se doutait un peu que pas un seul d’entre nous ne peut prétendre à l’éternité, on préférait bien sûr regarder ailleurs jusqu’au moment où le destin se décide sans prévenir de frapper à la porte. Mettant son entourage devant le fait accompli, sa disparition distille dans l’âme de chacun un moment de grande tristesse, tant pour sa famille immédiate que pour la communauté philatélique à laquelle il appartenait.

Tous se souviendront de la simplicité du personnage qu’il se composait, de sa gentillesse, de son affabilité et de sa modestie. Derrière une douce réserve se cachait en fait un grand séducteur qui jouait parfois à l’ingénu et qu’on se plaisait à taquiner quand il faisait mine de se perdre dans ses notes lors de ses prestations, toujours très attendues.

Au final, comme les diverses collections philatéliques qu’il laisse maintenant orphelines en témoignent, Yvan manifestait une grande curiosité intellectuelle et avait su acquérir au fil des ans une vaste culture dont l’éclectisme se plaisait à explorer les domaines les plus divers. C’était un hédoniste, un épicurien qui cherchait dans l’art autant que dans la gastronomie les satisfactions intellectuelles et gustatives qu’il estimait indispensables à la poursuite d’une existence vouée à la recherche inlassable d’un sens à y donner.

Il nous reste à lui souhaiter qu’au sein des lieux mystérieux et inconnus des mortels que ses pas sont maintenant appelés à parcourir, il sera à même d’y retrouver tous les êtres chers qui l’auront précédé dans l’au-delà, puis trinquer avec eux et boire avec délectation un verre de nectar ensoleillé en déambulant le long des allées majestueuses de quelque musée imaginaire.

Au revoir, très cher ami… et à la revoyure, car nos chemins qui maintenant divergent vont finir par se recroiser quelque part au-delà du point de fuite. Patience : ce n’est qu’une question de temps.

Jean-Charles Morin, membre fondateur de l’AQEP.

Prestations d’Yvan Leduc à l’Académie

Conférences:

  • La vigne et le vin en philatélie (Bourgogne celtique à la révolution française) (19 octobre 2002)
  • Vigne et vin de Bourgogne (Révolution française à 2004) (24 avril 2004)
  • Picasso 1881-1973 (21 octobre 2006)
  • Les Jeux Olympiques de l’Antiquité (18 octobre 2008)
  • Les Jeux Olympiques modernes: Athènes 1896 – Montréal 1976 (17 avril 2010)
  • Mythologie grecque. Les dieux de l’Olympe (2 novembre 2013)
  • Jésus de Nazareth (2 mai 2015)
  • L’impressionnisme et ses grands peintres (22 octobre 2016)
  • Le Post-Impressionnisme 1880-1910, Vincent Van Gogh (16 février 2019)
  • Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901): peintre, dessinateur, lithographe, affichiste et illustrateur français (17 septembre 2022)
    • Autre conférence: Les Jeux Olympiques dans l’Antiquité de 776 av. J.-C. à 393 (EXUP-31, 19 novembre 2011)

Les Cahiers de l’Académie:

Autres publications (périodique, numéro, année)

BHPMBulletin d’histoire postale et de marcophilieP: PhilabecPQ: Philatélie Québec

COLLECTION

No 17 – BOURGOGNE: LA VIGNE ET LE VIN [80 pages / 10,77 Mo]

Collection présentée à Royale 2017 Royal, Boucherville, 26-29 mai 2017 / Médaille GRAND ARGENT

Le vin de Bourgogne est, sans conteste, l’ambassadeur le plus célèbre de cette région. Son prestige est fortement influencé par des facteurs tels que le terroir, le ou les cépages utilisés, l ‘art du vigneron et par son image. Cette dernière est très dépendante des évènements religieux, guerriers, folkloriques ou diplomatiques, économiques qui ont eu lieu au cours de son histoire.

Cette collection « classe ouverte » donne un aperçu de l’évolution de la vigne et du vin en Bourgogne et présente certaines activités viticoles et vinicoles connexes au cours de la période de la Bourgogne celtique à nos jours.

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